Les étapes du développement dans la psychologie de l’enfant commencent même avant la naissance et se terminent avec l’adolescence qui signe la maturation des systèmes organiques et notamment reproducteurs. Ainsi, on dénombre 6 étapes principales :
1. La période prénatale
2. La période de 0 à 1 an
3. La période de 1 à 3 ans
4. La période de 3 à 5 ans
5. La période de 5 ans à la pré-puberté
6. La période de la puberté et de l’adolescence
1 la période pré-natale
Pendant la vie intra-utérine, le fœtus a déjà créé une union organique avec sa mère. Il est sensible aux bruits et réagit aux stimuli en donnant des coups de pieds ou de coudes ou en changeant de position par exemple. L’haptonomie créée par F. Velman est une pratique qui permet de rentrer en contact avec l’enfant in utero grâce au toucher et ce, dès le 2eme mois de grossesse . En effet, le toucher est le 1er des 5 sens que le fœtus développe. Ainsi , en prenant soin de la qualité des échanges et des stimuli, la mère peut mettre en place un système de communication conditionnée et poser les bases d’une sécurité affective.
Les bébés qui « sentent » qu’il y a déni, vont se positionner de sorte à ce qu’ils prennent le moins de place possible (à la verticale généralement). Le ventre de la mère reste « plat »
jusqu’à l’annonce officielle de la grossesse. Généralement, quelques heures après la révélation, le corps se transforme, le fœtus reprend sa place et le ventre s’arrondit. Le déni de grossesse me fait m’interroger sur les répercussions sur le développement psychologique de l’enfant. Est-ce que cela laisse une empreinte inconsciente ? Est-ce qu’on peut dire qu’il risque la « blessure de néant » tel que le nomme N. Astelli?
Les sens de l’enfant à naître s’éveillent au cours de la grossesse et il réagit à certains stimuli (bruit/ lumière/ toucher). On peut donc affirmer qu’il éprouve des sensations avant la naissance bien que de manière diffuse et manichéenne ( bien-être / mal-être). Minkowski évoquait que ce psychisme pré natal qualifié de « nébulaire » constituait « une base
indélébile dans laquelle s’insèrent toutes les impressions ultérieures »
Le stress et autres émotions vives changent la qualité du sang qui se retrouve imprégné d’hormones telles que l’adrénaline par exemple. Le fœtus étant lié à sa mère et alimenté par
les vaisseaux sanguins, il y a transfert d’information.
Enfin, certains auteurs incluent la période de conception comme étant influente dans le mode d’investissement personnel de chacun des parents quant à la grossesse et à l’enfant à
venir. Un couple en désir d’enfant, dans le parcours PMA ou au bord de la rupture n’accueillera pas la nouvelle de la grossesse de la même manière. Cela risque influencer les réactions émotionnelles: désinvestissement ou surinvestissement, détachement ou angoisses …
Ainsi, les événements qui entourent une grossesse ont toute leur importance dans le devenir de l’enfant.
2. De la naissance à la première bougie
La naissance est parfois considérée comme un traumatisme pour l’enfant (M.Klein) qui expérimente pour la première fois la douleur et la séparation brutale avec sa mère. Pour d’autres, ce n’est pas autant traumatisant car l’enfant n’aurait pas de point de comparaison. Comment pourrait-il interpréter la naissance comme un arrachement s’il n’a jamais vécu
d’autres séparations ?
Le regard psychanalytique interprète la naissance comme une angoisse physiologique où le bébé se sentirait dépassé par toutes les informations et stimulations du monde extérieur
alors qu’il n’a encore aucun mécanisme de défense. Ainsi, la naissance signerait la toute première angoisse, celle qui conditionnera toutes les autres.
L’enfant pénètre alors dans un monde, dans une famille , dans un milieu social, culturel, historique aux attentes, valeurs, normes, projections auxquelles il devra s’adapter et interagir. Son développement psychique est fait d’une superposition d’informations venant de toute part alors qu’il ne sait pas faire la différence entre lui et le monde. En effet, le monde c’est lui.
Durant cette première année, il va passer :
● Du stade indifférencié (Winnicott) où il est entièrement dépendant et dont l’oralité et le développement du lien affectif sont spécifiques
● A la différenciation (entre les 3 eme et 6eme mois) où son MOI commence à être perçu comme différent et à se situer par rapport à l’objet.
Le nourrisson aborde donc le monde de façon littérale. Il n’interprète pas. Il voit une image devant lui, il sent une contenance quand on le prend dans les bras, il entend des sons. Il
reconnaît tout de même quand c’est la voix, les bras, l’odeur ou l’image de sa mère ou son père. En revanche, pour lui, il n’existe que l’ici et maintenant. S’il ne ressent pas la présence
de sa mère, elle n’existe plus.
A la naissance, tous les bébés reconnaissent leur mère. L’odeur et la voix sont comme des repères au milieu de l’immensité que forme le monde extérieur. Les repères rassurent. Ils
apportent la sécurité et ce d’autant plus lors des premiers instants de vie en dehors de la cavité utérine. Les premières impressions des tous premiers instants vont former et ancrer les bases les plus anciennes de son MOI.
Le cerveau de l’enfant est encore loin d’être mature. En effet, il va continuer à se développer et à créer de nouvelles connexions et réseaux neuronaux bien après la naissance. En cas
de difficultés cognitives, l’enfant peut compter sur cette plasticité cérébrale pour trouver des réaménagements (adaptation, assimilation, accommodation).
L’intelligence sensori-motrice est développée comme suit:
● de 0 à 1 mois: c’est l’intégration des réflexes archaïques (marche automatique, agrippement du doigt qui lui est présenté, succion)
● de 1 à 5 mois: les schèmes d’action prennent le relais. Le tout petit reproduit des actions sur lui-même ayant produit un résultat la première fois par hasard: mettre son pouce dans la bouche pour le sucer. Et il intègre le sourire “réponse”.
● de 5 à 9 mois: la coordination préhension/vision s’affine et reproduit des actions touchant des objets extérieurs ayant eu un résultat la première fois par hasard: mettre la tétine dans la bouche
● à partir de 9 mois: les schèmes d’action se complexifient, l’enfant explore et cherche la nouveauté et a acquis la permanence de l’objet dans l’espace et le temps.
C’est durant cette première année que se met en place les 3 fonctions parentales fondamentales :
● le holding qui est le fait de prendre dans les bras l’enfant. Cela a pour effet de le faire sentir en sécurité et contenu tout en développant sa conscience corporelle et ses
limites dans l’espace.
● le handling qui représente les soins de maternage. Changer l’enfant, lui donner le bain, lui faire des caresses l’aident à faire le lien entre ressentis physiques et psychiques.
● l’object presenting est comment les parents présentent le monde à l’enfant, si possible de manière sereine et adaptée à son âge.
Ces 3 fonctions permettent à l’enfant de bien se développer. C’est-à-dire de se sentir suffisamment en sécurité pour pouvoir s’ouvrir au monde, à faire le lien entre l’extérieur et ce
qui se passe en lui. Les parents ne pouvant être présents 24h/24 , ils posent un cadre et des limites à l’enfant . Du principe de plaisir animé par un surmoi qui veut tout tout de suite, l’enfant expérimente la frustration et le principe de réalité. Les parents doivent trouver un équilibre entre permission et interdiction et surtout apprendre directement ou indirectement à l’enfant de puiser dans ses ressources pour faire face à la réalité du monde. Ces sont les parents que Winnicott qualifie de « suffisamment bons ».
3. De 1 à 3 ans
A partir d’1 an, on assiste à une évolution dans l’acquisition de l’indépendance , de la différenciation et de l’individuation de l’enfant. Il passe alors les étapes du sevrage, de la
marche, du langage et de l’imitation. La première année se termine donc par l’apparition de l’intelligence manipulatoire. Il ne reproduit plus de manière stéréotypée les gestes des autres mais créer de vraies explorations actives. Il est maintenant prêt à développer sa pensée subjective et à se déplacer.
Fini le bébé-objet que l’on prend, transporte et dépose . Ses fonctions motrices s’affinent et se renforcent progressivement ce qui lui permet une nouvelle exploration de l’espace en toute autonomie relative. Le monde concret devient alors plus vaste. C’est l’âge où les parents courent derrière leur enfant bien trop excité à l’idée de conquérir le monde par lui-même. L’enfant commence à intégrer sa toute puissance et son impact direct sur le monde matériel.
L’être humain étant un être social, cette découverte du monde s’accompagne de l’acquisition progressive du langage. Afin de rentrer en lien avec le monde qui l’entoure, de pouvoir communiquer et surtout se faire comprendre, il acquiert la parole : Mimétisme, répétition, injonctions sommaire puis élaboration simpliste de récits dont seuls les proches peuvent en décoder le sens…
Grâce à la parole et au pouvoir de communication, il va pouvoir structurer peu à peu sa pensée encore chargée d’affect. La conscience de Soi apparaît. A cette âge,pour l’enfant, le
seul point de vue qui compte, c’ est le sien car il ne connaît aucune autre expérience que la sienne.
Le non apparaît ensuite vers 18 mois. Cela signifie qu’il comprend les limites de ses parents et, par mimétisme, il s’approprie ce pouvoir. Ayant maintenant conscience d’exister et de sa différence, Il développe sa conscience réflexive. C’est le début de la pensée préopératoire avec l’accès à la fonction symbolique.
Jusqu’à 3 ans, l’enfant consolide son rapport à ses limites corporelles, voit et observe ses selles dans le pot et ne craint plus de perdre une partie vitale de lui. Il peut enfin les
considérer comme inutiles et les jeter dans les toilettes sans se sentir menacé.
Il comprend également les attentes, les fiertés et les déceptions de ses parents ainsi que les limites . De l’espace intime de la famille, il s’ouvre au monde. Il est prêt à intégrer un groupe social. 3 ans, c’est l’âge d’entrer en maternelle !
4. de 3 à 5 ans
L’enfant qui trottinait et balbutiait renforce à présent ses acquis et sa différenciation jusqu’à développer une vision égocentrée ou égocentrique du monde. Il a conscience désormais
qu’il est le personnage principal de sa vie comme le témoigne le passage de l’utilisation de la 3ème personne du singulier à la 1ère. Mimer ou se conformer ne suffit plus . Il faut jouer de stratégie pour atteindre un objectif tout en « négociant » avec le principe de réalité qui s’oppose au principe de plaisir.
Sur le plan affectif, l’enfant se rend compte qu’il doit partager sa mère avec son père, ses frères et sœurs. Il reconnaît sa mère comme une individualité propre. Il doit, par la même occasion, franchir ce que Freud nomme le « complexe d’Œdipe » pour constituer son identité sexuée . L’enfant va donc se rapprocher du parent du sexe opposé, va tenter de le séduire en niant la différence des generations. Le petit garçon qui veut se marier avec sa mère. De manière appropriée (avec empathie et sans humilier), les parents posent alors la limite et permettent à l’enfant d’intégrer le premier interdit symbolique : le tabou de l’inceste.
La consolidation du Surmoi au travers d’ interdits extérieurs (éducation, loi …) permettra plus tard à l ‘enfant de trouver des solutions (ou compromis ) dans ses ressources intérieures pour contenir son Ça.
Du complexe d’oedipe découle l’angoisse de castration (ou de mort chez les petites filles) qui renvoie à la peur de perdre son penis qu’il voit comme un « petit » plus que les filles n’ont pas. En effet, le petit garçon, après avoir compris sa toute puissance (c’est lui qui a la semence) , doit en faire de deuil de peur de se faire punir de la part du parent du même sexe alors qu’il convoite et s’imagine à la place de ce dernier. Il gagne en autonomie et en ouverture. Il apprend à ses dépends que la vision égocentrée ou égocentrique du monde qu’il a eue jusqu’à lors à ses limites.
La pensée opératoire s’installe progressivement à partir de l’âge de 3 ans. La pensée devient symbolique et préconceptionnelle, animiste, finaliste, artificialiste mais il garde tout de même une certaine difficulté à généraliser les points de vue.
5. De 5 ans à la prépuberté environ 12 ans
Cette période est considérée comme une phase de latence durant laquelle l’enfant utilise son énergie pour investir d’autres sphères dont la sphère sociale, l’apprentissage, la scolarisation, la vie publique …
A partir de 7 ans, ses pairs (copains et camarades) prennent autant d’importance que sa famille (voire parfois plus!). Il se compare , s’identifie, se cherche, s’inclut, s’exclut… le
groupe devient un espace où il affirme une certaine conformité qui n’est plus celle de la famille. C’est aussi grâce un groupe qu’il s’ouvre à l’altruisme et à la coopération, quittant
ainsi peu à peu sa vision égocentrique du monde. Le Moi de l’enfant devient plus consistant malgré la prise de conscience de ses limites . En somme, il sait gérer la frustration de ne pas être un adulte et se tourne vers ses pairs pour ne plus être le « petit ».
Ainsi, jusqu’à la pré-adolescence, il explore la dynamique du groupe à travers les jeux collectifs: coopération, respect de l’autre et des règles , l’affirmation et valorisation de soi,
gestion de la frustration, des conflits ou des mésententes. A cet âge de la vie, le jeu est au centre des relations et de son développement . Son camarade est alors considéré comme un partenaire de jeu avant d’être un confident, un soutien, un ami…
C’est lorsqu’ il arrive au collège que l’enfant réinvestit l’amitié et le groupe de pairs comme un espace d’identification.
6 de la puberté à l’adolescence
Cette période ne signifie pas la fin de l’enfance mais plutôt une « récapitulation » des différentes étapes clés qu’il a dû traverser et qu’il doit à nouveau transcender. Il est bon de rappeler que chaque culture procède à un rite de passage qui signera définitivement le début de l’âge adulte. En occident, on peut dire que le baccalauréat , l’acquisition de la majorité avec la possibilité de passer son permis de conduire pourrait constituer une sorte de rituel par lequel beaucoup de jeunes gens passent avant de se fondre dans le monde des adultes .
L’adolescent revisite l’angoisse de séparation et si cette étape a été intégrée avec succès étant bébé, l’angoisse d’abandon ne devrait pas être trop douloureuse: il sait qu’il peut partir
et que ses parents seront toujours là .C’est ainsi qu’il va chercher à s’éloigner de ses parents physiquement et psychiquement sans rupture totale. l’enfant va se permettre de chercher à tester les limites de ses parents et autres figures d’autorité (professeurs, lois, adultes…) pour mieux s’affranchir et s’individuer. Cette réorganisation confronte le passé et le futur. Cela est parfois déroutant pour l’adolescent et ce d’autant plus si la famille ne lui apporte pas le cadre secure dont il a définitivement besoin. C’est l’âge des bêtises, des remises en questions, des mises en abîme…
Le refoulement du complexe d’œdipe entraîne un détachement de l’objet mère et père pour se diriger vers ses pairs qu’ils considèrent comme « sa nouvelle famille », : famille de cœur, frère , soeur …
Pour conclure, dans une famille, les parents sont comme un porte-avion et les enfants les avions qui atterrissent et décollent à sa surface. Malgré les tempêtes, le porte avion est toujours là prêt à accueillir les avions en détresse, prêt à les ravitailler, à nettoyer la carlingue, à resserrer les boulons etc… Les parents sont la base et le socle à partir duquel
les enfants s’élèvent. D’ailleurs, ne dit-on pas « élever ses enfants »?
Sources:
Psychologie de l’enfant
Richard Cloutier, Pierre Gosselin, Pierre Tap
Gaëtan Morin éditeur, Chenelière Education : 2005 (2e édition.)
Introduction à la psychologie de l’enfant / Paul A. Osterrieth
Osterrieth , Paul Alexandre
Manuel de psychologie de l’enfant sous la direction de Jean Adolphe Rondal et Eric Esperet ; avec la collaboration de C.
Bastien, A. Bullinger, N. Catheline…[et al.]
Pierre Mardaga : 1999
Le développement psychologique de l’enfant : des repères pour un bon accompagnement : cycles 1, 2, 3
Catherine Jousselmé ; sous la direction d’Alain Bentolila
Nath : 2014
Précis de psychologie de l’enfant : de la naissance à l’adolescence : les grandes phases du développement
Chazaud, Jacques. Auteur
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